La grande traversée du Zanskar permet au randonneur qui s’y aventure de vraiment goûter la culture du Ladakh, cette partie au nord de l’Inde enclavée entre le Pakistan et la Chine. C’est un trek qui m’a pris 17 jours de Lamayuru à Darcha en passant par Padum. Dix-sept jours de marche où on traverse une multitude de villages et de monastères ladakhis en étant constamment accompagné des montagnes de l’Himalaya indien. On est bien loin du chaos de Varanasi disons!
Le trek se divise en deux parties. La première, qui va de Lamayuru à Padum, est plutôt sportive. Avec ses 9 cols à traverser en 9 jours, il a de quoi donner quelques courbatures aux jambes! La seconde partie, de Padum à Darcha, est cependant plus tranquille puisqu’elle ne compte qu’une seule passe (mais à 5095 mètres tout de même!). Cette seconde partie est d’ailleurs décrite dans cet article.
Avant même de débuter mon trek, je rencontre cependant mon premier problème technique…
Lors de l’hiver 2015, un glissement de terrain en amont de la rivière Phuktal a provoqué un barrage qui a retenu l’eau pendant toute la période hivernale. Au printemps, lors de la fonte des neiges, le barrage a cédé relâchant ainsi toute l’eau retenue. Par le fait même, tous les ponts de la rivière Tsarap furent emportés en plus de certains villages en bordure du cours d’eau. Le déluge endommagea également les sentiers de la rive sud de la rivière Tsarap. Impossible de faire la randonnée de ce côté!
Cet incident compliqua un peu ma recherche de guide pour faire ce trek puisque la plupart des agences me disaient qu’il était tout simplement impossible de s’y aventurer. D’autres me disaient « no problem, everything good », mais lorsque ça fait 2 mois que tu es en Inde, te faire dire « no problem » laisse toujours planer un certain doute!
Je trouve finalement un courageux gaillard de 22 ans qui a grandi dans la Zanskar et qui se sent prêt à se lancer dans l’expédition! Gyaltsan, que j’appellerai affectueusement « le guerrier ». Notre plan de match sera donc de faire premier tronçon de Lamayuru à Padum qui ne représente pas de problème à priori. Par la suite, nous verrons bien!
Après m’être acclimaté à l’altitude en restant quelques jours dans les alentours de Leh et en faisant le trek de la vallée de la Markha, j’étais maintenant prêt pour la grande traversée du Zanskar! J’y allais pour voir des paysages à couper le souffle et pour rencontrer les Ladakhis. Je n’ai pas été déçu! Voici donc le résumé de mes 17 jours dans la grande traversée du Zanskar au Ladakh.
Jour 1 : de Lamayuru (3500 m) à Wanla (3160 m)
Le point de départ de cette merveilleuse randonnée est le village de Lamayuru où je passe quelques heures à visiter son monastère. J’en profite pour tourner quelques fois les moulins à prière afin de bénir les 17 prochains jours. Sur place, je croise également plusieurs dames avec leur moulin à prière à la main. « Faites une prière pour moi aussi s’il vous plait »!
Une fois les bénédictions faites, mon guerrier et moi-même entamons notre randonnée. La première journée en direction de Wanla devait théoriquement être bien paisible. Cependant, nous trouvons le moyen de nous perdre en cherchant la passe de PrinktiLa! Et oui, après seulement deux heures de marche, on est déjà perdu… Ça promet! Mais grâce à l’instinct de guerrier de mon guide, on retrouve le chemin et on la gravit la passe sans problème.
Nous arrivons finalement au village de Wanla et nous nous empressons d’aller y visiter le monastère (c’est ce qu’il y a à faire dans la plupart des villages après tout!). Le monastère se trouve en hauteur et bénéficie d’une superbe vue sur la vallée. En plus, c’est jour de puja! Alors, les moines chantent les prières. « Chantez pour ne pas que j’aie trop de courbatures svp! »
C’est aussi à ce moment que je fais ma première rencontre avec le thé au beurre… Cette boisson est de loin celle qui se boit le plus dans le Zanskar. C’est d’ailleurs presqu’exclusivement ce que boira mon guide en 17 jours de randonnée.
Du thé avec un corps gras ça peut sonner intéressant. Par contre, pour moi, cela n’a pas du tout été ma tasse de thé (mauvais jeu de mots que j’assume pleinement!). Bref, si on vous offre du thé dans la région, il faudra impérativement que vous précisiez si vous le préférez noir, avec du lait ou avec du beurre. Autrement, vous vous retrouverez avec du « butter tea » par défaut!
Jour 2 : de Wanla (3160 m) à Hanupatta (3760 m)
Le second jour, nous nous dirigeons vers Hanupatta. Le chemin suit une route qui longe la rivière Yapola et c’est là que je me rends compte qu’on peut faire les trois premiers jours de la randonnée en voiture… Une route se rend effectivement jusqu’à Photoksar maintenant. Mais comme mon guide et moi-même sommes des guerriers, on le fait comme des vrais, c’est-à-dire à pieds!
Mais ça monte et ça monte encore… Après tout, on fait 600 mètres de dénivelé dans cette journée!
À Hanupatta, nous sommes hébergés par l’enseignante du village. Elle parle un excellent anglais ce qui est précieux dans cette partie du Ladakh. Dans la plupart des autres villages du Zanskar, je devrai plutôt me servir de mon guide comme interprète.
J’assiste au rassemblement du bétail en fin de journée. Il y a des moutons et des chèvres un peu partout dans le village. C’est un joli chaos!
Jour 3 : de Hanupatta (3760 m) à Photoksar (4120 m)
On attaque maintenant une grosse montée. Pour gravir la passe de SisirLa à 4760 mètres, il faut en effet monter de 1000 mètres de dénivelé! Ce n’est que notre troisième jour de marche, alors on a encore du jus dans les jambes. Malgré notre enthousiasme, la montée est plutôt difficile… En plus, il neige… Et on marche sur cette fameuse route qu’on aurait pu faire en voiture!
Heureusement, à la fin de ce calvaire, on arrive à Photoksar. Photoksar est un village fantastique! Je dois avouer qu’avec Phuktal que j’ai atteint le 12ème jour, Photoksar fut mon endroit préféré du Zanskar. Ce village juché à flanc de montagne dans le fond d’une vallée est rempli de cachet. En plus, j’allais y avoir toute une surprise le lendemain!
Jour 4 : journée de repos à Photoksar (4120 m)
Au quatrième jour, je me réveille à cinq heures du matin et j’observe aussitôt de gros nuages au-dessus de la passe de BumutseLa. Il est hors de question que l’on marche en montagne et en altitude avec une aussi mauvaise température. En plus, j’ai du temps devant moi, alors pourquoi se presser.
C’est alors à ce moment que la magie opéra (probablement à cause des prières que j’ai faites à Lamayuru au départ!).
Alors que je me balade à la découverte du village de Photoksar, je réalise que c’est aujourd’hui jour de puja (et oui, ici aussi!). Pour l’occasion, les femmes du village arborent leurs habits traditionnels avec le fameux peyrac. Le peyrac est une coiffe décorée de pierres précieuses (surtout des turquoises) qui se transmet de mère en fille, le plus souvent lors du mariage de cette dernière. Il n’est porté que pour les grandes occasions.
Avant de partir au Ladakh, j’avais vu quelques images du peyrac, mais j’ignorais si je croiserais des femmes l’arborant pendant mon périple. Aujourd’hui, c’était donc mon jour de chance puisqu’il y en avait tout plein en ce jour de fête!
Pour la puja du jour, le moine invité vient donner sa bénédiction au village. Il en profite pour lire de nombreuses prières qui sont écoutées attentivement par l’ensemble des villageois, moulin de prière à la main.
Comme je suis le seul touriste du village, on m’invite à m’asseoir sur la scène à côté du moine invité. Bénéficiant du statut d’invité de marque, on m’offre une tasse de thé au beurre bien sûr. Chouette…!
Jour 5 : de Photoksar (4120 m) à Gongma
Après avoir rechargé mes batteries avec une journée de repos, je suis prêt à affronter la plus grosse étape de randonnée de ce trek. Au menu, trois passes les unes après les autres dans la même journée! Après le premier col enneigé à 4400 m (la passe de BumitesLa), nous enchaînons celui de SenggeLa et de KuipaLa. Sur la route, nous ne croisons pas grand monde si ce n’est que quelques moines et quelques yaks. Le paysage est évidemment sublime et il met un baume sur l’intensité de ce tronçon. Après huit heures de marche, le village de Gongma nous apparaît comme une oasis.
Je suis accueilli avec un « bon » thé au beurre… miam…! Le tout préparé avec de la crotte d’un mammifère inconnu. Il faut savoir qu’à plus de 4000 mètres d’altitude, il n’y a pas beaucoup d’arbres qui poussent. Ainsi, le combustible facilement accessible pour la cuisine est le produit digéré d’un yak ou d’un âne.
Jour 6 : de Gongma à Lingshed (3900 m)
Encore une journée à traverser un col, celui de MargunLa cette fois-ci. C’est là que je commence à trouver que de faire cette randonnée de 17 jours est audacieuse. « Mais pourquoi donc avoir décidé de faire la grande traversée du Zanskar!!! »
Avec les encouragements de mon guide guerrier préféré, nous arrivons à vaincre cette foutue passe. Au sommet de celle-ci, Lingshed nous apparait tout en bas. La température est superbe, la passe est derrière nous, alors tout va bien. Le monastère construit dans les flancs de la montagne se dessine de mieux en mieux comme nous nous en approchons. Lingshed sera un sympathique village à explorer. Ici, je n’y boirai pas de butter tea!
Jour 7 : de Lingshed (3900 m) à Jingchen (3370 m)
Je quitte le village de Lingshed à regret puisque devant nous se dresse deux cols dans la journée, celui de Sabkang d’abord et celui de HanulaLa ensuite. Entre le début du second col et son sommet, il y a tout de même un léger 700 mètres de dénivelé, parfait pour tester sa patience! Comme à l’habitude, mon guerrier et moi-même vaincrons ses passages en nous délectant de la vue en chemin. Notre journée s’arrête alors au campement de Jingchen où nous plantons la tente pour la première fois de cette expédition.
Jour 8: de Jingchen (3370 m) à Hanumil (3380 m)
Encore un autre col à gravir (pour faire changement) avant de longer pour la première fois de cette randonnée la rivière Zanskar. C’est une journée tranquille somme toute qui nous permet de rejoindre le tout petit village de Hanumil.
Jour 9 : de Hanumil (3380 m) à Padum (3570 m)
La randonnée suit ici la rivière Zanskar toute la journée et la vallée qui l’entoure s’élargit. Plusieurs villages charmants sont sur notre route aujourd’hui, notamment celui de Pidmo où l’on s’arrête pour le thé.
Les villages au Zanskar ont toujours l’air d’une oasis au milieu du désert. La région est aride et reçoit très peu de précipitations.
Les Ladakhis doivent donc détourner de manière ingénieuse les cours d’eau qui proviennent des montagnes pour irriguer leurs champs. Cette abondance d’eau leur permet donc de cultiver des lentilles, de l’orge (qui fera la farine pour leurs chapatis) et une panoplie de légumes. Le tout donne une couleur verte fluo aux villages, ce qui est très contrastant avec l’aspect désertique qui les entoure.
Arrivés à Karsha, nous nous empressons d’aller visiter le monastère qui se trouve à même le flanc de la montagne. Nous tournons quelques fois les moulins à prière de façon à ce que la chance nous sourisse dans le second tronçon de la grande traversée du Zanskar. En espérant que nous pourrons le faire et que les inondations du printemps dernier n’ont pas rendu le trek impraticable.
Le plan initial était de passer la nuit à Karsha. Cependant, sachant que le village de Padum n’est qu’à 30 minutes de voiture, nous embarquons dans le premier camion qui s’y rend. La douche à l’eau chaude et les réserves de barres de chocolat sont grandement appréciées!
Imaginez ici une voix de narrateur accompagnée d’une musique mystérieuse. « Est-ce que nos deux guerriers traverseront les 8 prochains jours avec succès? Arriveront-ils à vaincre l’ultime passe du trek à 5095 mètres? Devront-ils encore boire du « butter tea »? C’est ce que vous saurez dans la seconde partie de la grande traversée du Zanskar allant de Padum à Darcha!
Trucs et conseils pour la grande traversée du Zanskar:
- La grande traversée du Zanskar peut se faire sans problème entre la mi-juin et à la fin octobre. En dehors de cette période, les cols en altitude seront probablement enneigés.
- Prenez un guide pour vous accompagner dans ce trek. Ce n’est pas vraiment parce c’est dangereux ou qu’il y a un risque de se perdre (même si c’est arrivé pour moi!), mais parce qu’un guide vous permettra de communiquer avec les Ladakhis. Cela est très pratique lorsque vous chercherez un endroit pour passer la nuit dans un village. Il vous en coûtera environ 20$ par jour dépendamment de son âge et de son niveau d’anglais. Pour ma part, j’ai choisi l’agence Zanskar trek à Leh et je fus très satisfait.
- Pensez partir tôt le matin! Comme il n’y a pas d’ombre et que le Soleil tape très fort, vous ne voulez pas être pris trop souvent à marcher sur l’heure du midi!
- Si vous voulez voyager léger, vous pouvez faire ce trek sans tente. En effet, pour ma part, je ne l’ai utilisée qu’une seule fois au campement de Jingchen. Cependant, si vous n’avez pas trop besoin de confort, il y a des abris sur place dans lesquels vous pouvez installer votre matelas de sol et votre sac de couchage. Le reste du temps, vous pouvez dormir chez l’habitant sans problème.
- Dormir chez l’habitant vous coûtera entre 500 et 1000 roupies (10-20$) selon vos capacités de négociation. Cela inclut la nuit, le souper, le déjeuner ainsi que 3-4 chapatis pour votre diner du lendemain. Vous aurez amplement de couvertures, donc il est envisageable de faire la partie du trek entre Lamayuru et Darcha sans sac de couchage et sans matelas de sol si vous acceptez de passer votre nuit au campement de Jingchen sans grand confort.
- Prévoyez de vous ravitailler avant le départ car vous aurez du mal à trouver des collations en chemin. Faites donc le pleins de nouilles instantanées, de barres de chocolat et de noix à Lamayuru ou à Leh.
- Lisez la seconde partie de la grande traversée du Zanskar de Padum à Darcha en cliquant sur ce lien!